La rupture d’un contrat de travail soulève immédiatement la question de la continuité de la couverture santé. Lorsqu’un salarié démissionne, peut-il encore profiter des avantages de sa mutuelle d’entreprise ? La réponse dépend principalement du type de démission et du droit aux allocations chômage. Dans la majorité des cas, la démission classique ne permet pas de bénéficier de la portabilité, contrairement à d’autres modes de rupture du contrat de travail. Cependant, certaines situations exceptionnelles ouvrent cette possibilité. Décryptage des conditions, des démarches et des alternatives pour maintenir une protection santé optimale après avoir quitté son emploi.
Puis-je garder ma mutuelle d’entreprise après démission ?

Qu'est-ce que la portabilité de la mutuelle d'entreprise ?
La portabilité constitue un dispositif permettant aux anciens salariés de conserver leur couverture complémentaire santé après la fin de leur contrat de travail. Ce mécanisme garantit une continuité de protection pendant une période définie, évitant ainsi une rupture brutale des garanties santé.
Concrètement, la portabilité maintient à l'identique les garanties frais de santé dont bénéficiait le salarié lorsqu'il était en poste. Si l'entreprise dispose également d'un régime de prévoyance, celui-ci peut aussi faire l'objet d'une portabilité pour les garanties liées aux risques décès, incapacité de travail et invalidité.
L'aspect le plus intéressant de ce dispositif réside dans son caractère gratuit pour l'ancien salarié. En effet, reposant sur un principe de solidarité, les cotisations sont intégralement prises en charge par l'employeur et les salariés encore en activité dans l'entreprise. L'ancien collaborateur ne débourse donc aucune somme pendant toute la durée de la portabilité.
Démission et portabilité : un lien conditionné par le droit au chômage
Les trois conditions obligatoires pour bénéficier de la portabilité
Pour qu'un salarié puisse prétendre au maintien de sa mutuelle d'entreprise, trois conditions cumulatives doivent impérativement être respectées, conformément à l'article L911-8 du Code de la sécurité sociale :
- Avoir effectivement adhéré à la complémentaire santé collective de l'entreprise pendant la période d'activité
- Ne pas avoir fait l'objet d'une rupture de contrat pour faute lourde
- Bénéficier d'une prise en charge par l'assurance chômage, autrement dit percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE)
Cette dernière condition représente le principal obstacle pour les salariés démissionnaires, puisque la démission n'ouvre généralement pas de droits aux allocations chômage.
Pourquoi la démission classique exclut-elle la portabilité ?
Dans le cadre d'une démission standard, le salarié quitte volontairement son emploi. Cette décision personnelle ne donne pas accès aux allocations chômage versées par France Travail. Or, sans indemnisation chômage, impossible de satisfaire la troisième condition nécessaire à la portabilité.
Résultat : la mutuelle d'entreprise est automatiquement résiliée au jour de la rupture définitive du contrat de travail. Le salarié démissionnaire reste néanmoins toujours couvert par l'Assurance maladie pour les remboursements de base, mais perd le bénéfice des garanties complémentaires.
L'exception de la démission légitime
Heureusement, il existe une échappatoire : la démission dite "légitime". Lorsque France Travail reconnaît le caractère légitime d'une démission, le salarié peut alors percevoir l'allocation chômage et, par conséquent, bénéficier de la portabilité de sa mutuelle d'entreprise.
Le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 précise 16 situations considérées comme des démissions légitimes. Parmi les cas les plus fréquents, on retrouve :
- La démission pour rapprochement de conjoint muté professionnellement
- La démission suite à un mariage, un PACS ou un déménagement avec le conjoint
- La démission motivée par des violences conjugales
- La démission faisant suite à un non-paiement de salaire par l'employeur
- La démission dans le cadre d'un projet de reconversion professionnelle
- La démission pour création ou reprise d'une entreprise
- La démission en raison de harcèlement ou de discrimination au travail
Les démarches pour activer la portabilité après une démission légitime
Le rôle de l'employeur
Lorsque les conditions de la portabilité sont remplies, l'employeur assume plusieurs obligations. Il doit notamment signaler le maintien des garanties dans le certificat de travail remis au salarié lors de son départ. Parallèlement, il informe directement l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail et de la mise en place de la portabilité.
Le salarié démissionnaire n'a donc pas de démarche particulière à entreprendre auprès de son ancien employeur pour demander le bénéfice de la portabilité. Ce droit s'applique automatiquement dès lors que les conditions sont satisfaites.
L'inscription à France Travail
La première étape pour le salarié consiste à s'inscrire comme demandeur d'emploi auprès de France Travail (anciennement Pôle emploi) dès la fin de son contrat. Cette inscription déclenche automatiquement l'examen de sa situation et l'évaluation de son droit aux allocations.
Si la démission entre dans l'un des cas légitimes prévus par la réglementation, et que le dossier comporte tous les justificatifs nécessaires, France Travail accorde le bénéfice de l'ARE. La décision est notifiée par courrier au demandeur d'emploi.
La justification auprès de l'organisme assureur
Une fois la prise en charge par France Travail confirmée, le salarié doit transmettre une preuve de cette indemnisation à l'organisme de complémentaire santé. Il s'agit généralement d'une attestation de droits téléchargeable depuis l'espace personnel sur le site de France Travail, ou obtenue auprès d'un conseiller.
Ce document permet à la mutuelle de vérifier que la condition relative à l'assurance chômage est bien remplie et d'activer officiellement le maintien des garanties.
À noter : si la demande d'allocations chômage est refusée par France Travail, il reste possible de déposer une réclamation en agence, par courrier, par email ou depuis l'espace en ligne. En cas de refus définitif, la portabilité ne pourra pas être accordée.
Durée et fin du maintien des garanties
Combien de temps la portabilité est-elle maintenue ?
La portabilité de la mutuelle se déclenche automatiquement à partir de la date de cessation du contrat de travail. Il n'existe aucun délai d'attente pour son activation.
Concernant sa durée, le maintien des droits est calculé selon une règle précise : il correspond à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail (ou des derniers contrats consécutifs chez le même employeur).
Cependant, cette durée ne peut jamais excéder 12 mois, soit un an maximum. Cette limitation représente un plafond légal infranchissable, même si le salarié justifiait d'une ancienneté bien supérieure dans l'entreprise.
Exemple pratique : un salarié ayant travaillé 8 mois dans une entreprise et percevant l'ARE bénéficiera de la portabilité pendant 8 mois. En revanche, un collaborateur présent depuis 5 ans dans la société ne pourra profiter du dispositif que pendant 12 mois au maximum, même s'il perçoit le chômage au-delà de cette période.
Dans quels cas la portabilité prend-elle fin ?
Le maintien de la couverture santé cesse dans plusieurs situations :
- À l'expiration de la période de maintien des droits, notamment lorsque le salarié n'est plus indemnisé par France Travail
- En cas de reprise d'un nouvel emploi entraînant la fin de l'indemnisation au titre du chômage
- Si le salarié décide personnellement de mettre fin à la portabilité
- Lorsque le délai maximum de 12 mois est atteint
Le coût de la portabilité : un dispositif totalement gratuit
L'un des atouts majeurs de la portabilité réside dans sa gratuité absolue pour l'ancien salarié. Aucune cotisation n'est à verser pendant toute la durée du maintien des garanties.
Ce mécanisme repose sur un principe de solidarité : les cotisations sont intégralement supportées par l'employeur et l'ensemble des salariés actifs de l'entreprise. Cette mutualisation permet aux anciens collaborateurs de traverser une période de transition professionnelle sans sacrifier leur protection santé.
Qu'en est-il des ayants droit ?
Lorsque le salarié bénéficiait d'un contrat collectif dit "contrat famille", ses ayants droit (conjoint, enfants) peuvent également profiter de la portabilité. Cette extension s'applique sous deux conditions :
- Le salarié principal doit lui-même bénéficier de la portabilité
- Il doit s'agir d'un contrat collectif incluant les ayants droit
La portabilité : un droit, pas une obligation
Un point souvent méconnu : le salarié peut refuser la portabilité de la mutuelle. Ce dispositif constitue un droit et non une obligation. Plusieurs raisons peuvent justifier ce refus :
- Les garanties de la mutuelle collective ne correspondent pas aux besoins réels (couverture trop faible ou au contraire trop élevée pour des postes de soins non utilisés)
- Une mutuelle individuelle mieux adaptée et potentiellement moins chère à long terme a été identifiée
- Le rattachement à la mutuelle du conjoint s'avère plus avantageux
- L'éligibilité à la Complémentaire Santé Solidaire offre une alternative gratuite ou peu coûteuse
Pour les jeunes actifs en excellente santé, par exemple, une mutuelle collective très protectrice peut représenter un coût élevé pour des garanties peu exploitées. À l'inverse, les seniors avec des dépenses de santé importantes peuvent trouver insuffisante une couverture d'entreprise basique sur certains postes comme le dentaire ou l'optique.
Dans tous les cas, comparer les offres avant d'accepter ou de refuser la portabilité permet d'identifier la solution la mieux adaptée à sa situation personnelle.
Que faire en l'absence de droit à la portabilité ?
Souscrire une mutuelle individuelle
Sans portabilité, la première option consiste à contracter une complémentaire santé individuelle. Les offres sur le marché sont nombreuses et permettent de personnaliser les garanties selon les besoins réels : niveau de remboursement en optique, dentaire, médecines douces, hospitalisation, etc.
L'utilisation d'un comparateur en ligne facilite l'identification des mutuelles offrant le meilleur rapport qualité-prix. Les tarifs varient considérablement selon l'âge, le niveau de garanties souhaité et les options choisies.
Se rattacher à la mutuelle du conjoint
Lorsque le conjoint ou la conjointe bénéficie d'une mutuelle d'entreprise, il est souvent possible d'y être rattaché en tant qu'ayant droit. Cette solution évite de multiplier les contrats et peut s'avérer économiquement intéressante, sous réserve que les garanties correspondent aux besoins du foyer.
La Complémentaire Santé Solidaire (CSS)
Pour les personnes aux revenus modestes, la CSS représente une alternative accessible. Selon le niveau de ressources, cette complémentaire santé peut être gratuite ou nécessiter une participation financière limitée, calculée en fonction de l'âge du bénéficiaire.
Le dispositif "loi Evin" : maintenir l'ancienne mutuelle à titre individuel
Une solution peu connue existe pour prolonger la couverture santé au-delà de la portabilité. Au plus tard 2 mois après la fin du maintien des droits, l'organisme assureur doit proposer un contrat individuel conservant les mêmes garanties que le contrat collectif. Il s'agit du dispositif dit "loi Evin".
Pour en bénéficier, le salarié dispose d'un délai de 6 mois après la fin de la portabilité pour faire sa demande. Ce nouveau contrat présente plusieurs caractéristiques :
- Il est payant, contrairement à la portabilité
- Il n'est pas limité dans le temps
- Il ne concerne que les frais de santé, la prévoyance n'est pas maintenue
- Les tarifs suivent une progression plafonnée sur 3 ans : la première année, les cotisations égalent celles des salariés actifs (parts patronale et salariale cumulées), la deuxième année elles peuvent augmenter de 25 % maximum, et la troisième année de 50 % maximum
Ce mécanisme offre donc deux années de tarifs préférentiels par rapport à une mutuelle individuelle classique, ce qui peut représenter une économie substantielle.
Cas particuliers et situations spécifiques
Rupture conventionnelle et licenciement
Contrairement à la démission classique, la rupture conventionnelle homologuée ouvre droit à la portabilité, puisqu'elle permet de bénéficier de l'assurance chômage. Il en va de même pour le licenciement (économique ou pour motif personnel hors faute lourde).
Retrouver immédiatement un emploi
Depuis l'entrée en vigueur de la loi ANI au 1er janvier 2016, tout salarié du secteur privé doit obligatoirement adhérer à la mutuelle de son entreprise, sauf cas de dispense prévu par la réglementation. Lorsqu'un ancien salarié retrouve rapidement un emploi, il se voit donc affilié à la complémentaire santé de son nouvel employeur.
La question de la portabilité devient alors caduque, puisque le nouveau contrat prend le relais. Le salarié bénéficie d'une prise en charge de sa cotisation à hauteur de 50 % minimum par le nouvel employeur.
Résiliation de la mutuelle pendant la portabilité
Un salarié bénéficiant de la portabilité peut décider à tout moment d'y mettre fin. Pour cela, il suffit d'adresser une lettre de résiliation en recommandé avec accusé de réception à l'organisme assureur.
La lettre doit préciser les informations suivantes : identité complète, numéro de contrat, date de fin du contrat de travail, et demande explicite de résiliation de la portabilité. Cette démarche peut s'avérer pertinente si le salarié trouve entre-temps une couverture plus avantageuse ou s'il retrouve un emploi.
FAQ : vos questions sur la mutuelle après démission
Quand s'arrête exactement la mutuelle après une démission classique ?
En cas de démission sans droit à la portabilité, la mutuelle d'entreprise est résiliée automatiquement à la date de fin du contrat de travail. Certains organismes assureurs peuvent prolonger la couverture jusqu'à la fin du mois en cours : il convient de vérifier ce point pour éviter tout trou de couverture.
Peut-on garder la mutuelle d'entreprise en cas de rupture conventionnelle ?
Oui, la rupture conventionnelle homologuée est considérée comme une privation involontaire d'emploi ouvrant droit à l'assurance chômage. Si toutes les conditions sont remplies, la portabilité s'applique normalement pour une durée maximale de 12 mois.
Qui doit résilier la mutuelle d'entreprise en cas de démission sans portabilité ?
L'employeur se charge de notifier l'organisme assureur de la fin du contrat de travail, ce qui entraîne automatiquement la résiliation de la mutuelle. Le salarié démissionnaire n'a aucune démarche spécifique à effectuer.
Combien coûte la mutuelle pendant la portabilité ?
Absolument rien pour l'ancien salarié. La portabilité est un dispositif totalement gratuit : les cotisations sont prises en charge par l'employeur et les salariés encore en activité, dans le cadre du principe de solidarité.
Que se passe-t-il si France Travail refuse ma demande d'allocations chômage ?
Sans reconnaissance du caractère légitime de la démission et sans droit à l'ARE, la portabilité ne peut pas être accordée. Il est alors nécessaire de souscrire une mutuelle individuelle ou de se rattacher à celle du conjoint pour maintenir une protection santé.
Les ayants droit bénéficient-ils toujours de la portabilité ?
Pas systématiquement. Si le salarié principal profite de la portabilité et disposait d'un contrat famille, les ayants droit peuvent en bénéficier. Cependant, l'organisme assureur n'a aucune obligation de maintenir les garanties pour le conjoint et les enfants. En cas de refus, une solution alternative devra être trouvée rapidement.
Puis-je refuser la portabilité même si j'y ai droit ?
Absolument. La portabilité constitue un droit et non une obligation. Chaque salarié reste libre d'accepter ou de refuser ce maintien de garanties, notamment s'il identifie une offre plus adaptée à ses besoins ou moins coûteuse à long terme.
Que propose l'assureur à la fin de la portabilité ?
L'organisme doit automatiquement proposer un contrat individuel à garanties équivalentes dans les 2 mois précédant la fin de la portabilité. Le salarié dispose ensuite de 6 mois pour accepter cette offre. Les tarifs sont progressifs sur 3 ans, avec un plafonnement permettant des économies par rapport à une mutuelle individuelle standard.
Comment prouver que ma démission est légitime ?
Il faut constituer un dossier complet avec tous les justificatifs pertinents : certificat de mariage ou de PACS, justificatif de mutation du conjoint, plainte en cas de harcèlement, attestation de non-paiement des salaires, dossier de projet de reconversion, etc. Plus le dossier est documenté, plus les chances d'obtenir la reconnaissance par France Travail sont élevées.
La portabilité s'applique-t-elle aussi à la prévoyance ?
Oui, si l'entreprise dispose d'un régime de prévoyance, celui-ci bénéficie également de la portabilité pour les garanties décès, incapacité de travail et invalidité. En revanche, le dispositif "loi Evin" proposé après la fin de la portabilité ne concerne que les frais de santé, pas la prévoyance.
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