Longtemps éclipsé par l’assurance-vie, le contrat de capitalisation s’impose pourtant comme un levier de transmission efficace lorsqu’il est bien utilisé. Intégré à la succession, il ne se dénoue pas au décès et permet aux héritiers de reprendre le contrat avec son antériorité fiscale. Tour d’horizon des règles, de la fiscalité et des stratégies pour optimiser la transmission.
La succession d’un contrat de capitalisation

Contrat de capitalisation : rappel rapide et différences avec l’assurance-vie
Produit d’épargne proche de l’assurance-vie dans son fonctionnement et sa fiscalité sur les retraits, le contrat de capitalisation permet d’investir sur fonds en euros et unités de compte (OPCVM, ETF, SCPI, etc.). Il se distingue toutefois par un point déterminant : il ne repose pas sur la durée de vie du souscripteur. Autrement dit, il ne se dénoue pas au décès ; le contrat poursuit sa vie et peut être repris par un héritier.
À la différence de l’assurance-vie, il n’existe pas de clause bénéficiaire : le contrat fait partie de l’actif successoral et suit la dévolution légale ou les dispositions d’un testament. En contrepartie, ce support se prête particulièrement bien à la donation et au démembrement de propriété, deux outils puissants pour préparer la transmission de son vivant.
Au décès : ce que devient le contrat
Intégration à l’actif successoral
Le contrat est intégré à la succession pour sa valeur de rachat au jour du décès. Il vient s’ajouter aux autres éléments du patrimoine (immobilier, comptes-titres, liquidités) et se répartit selon les règles successorales en vigueur ou selon les volontés exprimées par testament.
Pas de dénouement automatique
Contrairement à l’assurance-vie, il n’y a pas de liquidation automatique. L’héritier reprend le contrat, peut conserver l’antériorité fiscale, effectuer des versements, des arbitrages, opter pour des rachats partiels ou un rachat total, voire choisir une sortie en rente.
Conservation de l’antériorité fiscale
La date d’ouverture initiale est conservée. Si le contrat a plus de huit ans, l’héritier bénéficie immédiatement des abattements annuels sur les retraits (4 600 € pour une personne seule, 9 200 € pour un couple) et d’une fiscalité allégée sur les intérêts.
Un atout majeur : la « purge » des plus-values latentes
Au décès, les gains accumulés avant la transmission ne sont pas imposés lors de la reprise du contrat par l’héritier. Concrètement, l’héritier repart d’une base fiscale nette ; seuls les intérêts générés après la transmission seront pris en compte pour la fiscalité des futurs rachats.
Ce mécanisme évite la double imposition : pas d’impôt au moment de la transmission et imposition limitée aux gains futurs (hors particularité des prélèvements sociaux déjà acquittés sur le fonds en euros).
Droits de succession : règles de droit commun
En l’absence de clause bénéficiaire, la transmission d’un contrat de capitalisation suit le régime de droit commun des successions : application des abattements selon le lien de parenté (par exemple 100 000 € par enfant) puis du barème progressif. La taxation peut atteindre 60 % en cas de transmission à un tiers sans lien familial.
Exemples rapides
En ligne directe : un enfant qui reçoit 200 000 € via un contrat de capitalisation n’est taxé que sur 100 000 € après abattement (100 000 €). Le barème de 20 % s’applique dans la tranche correspondante.
Transmission à un ami : sur 200 000 €, les droits atteignent 120 000 € (60 %).
À noter : le conjoint survivant et le partenaire de PACS sont exonérés de droits de succession, mais le contrat reste intégré à la masse et la répartition obéit aux règles civiles.
Comparer avec l’assurance-vie : forces, limites et stratégie combinée
Quand l’assurance-vie domine
Pour les transmissions au profit d’héritiers éloignés (ou non parents) ou pour des montants ciblés avant 70 ans, l’assurance-vie s’avère souvent plus favorable : hors succession, clause bénéficiaire libre, abattement de 152 500 € par bénéficiaire, puis prélèvements plafonnés (20 %/31,25 %).
Quand la capitalisation reprend l’avantage
Au-delà de certains seuils ou en ligne directe, la fiscalité de succession de droit commun peut s’avérer compétitive par rapport à l’assurance-vie (par exemple, lorsque chaque héritier reste dans une tranche à 20 % après abattement). Surtout, le contrat de capitalisation permet des donations et démembrements optimisés du vivant, ce que ne permet pas l’assurance-vie de la même manière.
La stratégie gagnante : combiner les deux
En pratique, beaucoup d’épargnants articulent un binôme assurance-vie + capitalisation : l’assurance-vie vise la transmission hors succession sur des montants calibrés (bénéficiaires choisis, abattements spécifiques), tandis que le contrat de capitalisation sert de vecteur de donation (pleine propriété ou nue-propriété) et de réceptacle patrimonial transmissible sans dénouement.
Anticiper de son vivant : donation en pleine propriété
Donner le contrat de capitalisation en pleine propriété transfère tous les droits au donataire, qui devient le nouveau souscripteur. L’acte est en principe notarié et doit être signalé à l’assureur (notification ou avenant). La donation bénéficie des abattements de droit commun (100 000 € par parent et par enfant, renouvelables tous les 15 ans) ; au-delà, s’applique le barème des droits de donation.
Effet clé : les plus-values latentes au jour de la donation sont purgées. Les rachats ultérieurs par le donataire ne seront imposés que sur les intérêts produits après la donation.
Optimiser : donation avec réserve d’usufruit (démembrement)
Principe usus / fructus / abusus
Le démembrement sépare les attributs de propriété : l’usufruitier conserve l’usage et les revenus (rachats selon convention), le nu-propriétaire détient la propriété économique des primes. Au décès de l’usufruitier, la pleine propriété se reconstitue chez le nu-propriétaire sans droits de succession.
Intérêt fiscal
Les droits de donation portent uniquement sur la nue-propriété, valorisée selon l’article 669 du CGI en fonction de l’âge de l’usufruitier (par exemple, 60 % de nue-propriété entre 61 et 70 ans). Cette décote mécanique réduit fortement la base taxable. Les abattements de donation viennent ensuite s’appliquer (par exemple 100 000 € parent/enfant).
Convention de démembrement : un document à soigner
La convention précise les pouvoirs de rachat de l’usufruitier : seulement les intérêts ; un pourcentage régulier de la valeur du contrat ; ou la possibilité d’entamer le capital sous conditions. Elle peut aussi encadrer les arbitrages. Cet écrit, souvent proposé par l’assureur, sécurise la relation entre usufruitier et nu-propriétaire.
Exemple synthétique
À 65 ans, un parent détient un contrat de 160 000 €. La nue-propriété est valorisée à 60 % (soit 96 000 €). Avec l’abattement de 100 000 € en ligne directe, la donation de la nue-propriété est exonérée de droits. Au décès, l’enfant récupère la pleine propriété sans droits de succession. Entre-temps, l’usufruitier a pu percevoir des revenus cadrés par la convention.
Fiscalité des rachats après transmission
Après une succession ou une donation, seuls les intérêts produits après la date de transmission sont pris en compte pour l’impôt sur le revenu lors d’un rachat. Pour un contrat de plus de huit ans, l’héritier ou le donataire peut utiliser l’abattement annuel (4 600 €/9 200 €). Les prélèvements sociaux (17,2 %) restent dus sur la fraction d’intérêts.
Cas pratiques et points de vigilance
Mineur donataire ou héritier
Il est possible de donner à un mineur. Le contrat est alors géré par ses représentants légaux jusqu’à sa majorité. L’acte notarié est recommandé, avec clauses de protection adaptées (inaliénabilité, droit de retour).
Plusieurs héritiers
La reprise par un héritier suppose une répartition civile claire. Selon les cas, un héritier peut reprendre le contrat tandis que d’autres reçoivent une compensation (soulte). Une fois repris, le nouveau titulaire gère librement (rachats, arbitrages) dans le cadre fiscal rappelé ci-dessus.
Personnes morales
Des personnes morales soumises à l’IR ou à l’IS peuvent détenir un contrat de capitalisation ; toutefois, les règles civiles et fiscales de la transmission diffèrent et nécessitent une analyse dédiée (statuts, régime fiscal, objectif patrimonial).
Exemples chiffrés comparatifs
Transmission de 200 000 € à un enfant
Assurance-vie (versements avant 70 ans) : abattement de 152 500 € ; base taxable 47 500 € ; prélèvement 20 % = 9 500 €.
Contrat de capitalisation : abattement 100 000 € en ligne directe ; base taxable 100 000 € ; tranche 20 % = 20 000 €.
Combinaison : utilisation des deux enveloppes peut ramener l’impôt à zéro selon la répartition et les abattements disponibles.
Donation démembrée à 70 ans
Valeur du contrat : 200 000 €. Valorisation de la nue-propriété à 60 % : 120 000 €. Après abattement de 100 000 € (parent/enfant), base 20 000 € ; droits 20 % = 4 000 €. En pleine propriété, droits estimés : 20 000 €. Économie : 16 000 €, tout en conservant l’usufruit.
Erreurs fréquentes à éviter
- Oublier l’absence de clause bénéficiaire : le contrat suit la dévolution successorale.
- Sous-estimer la taxation à 60 % pour un héritier éloigné : calibrer l’usage de l’assurance-vie en parallèle.
- Négliger la convention de démembrement : encadrer précisément rachats et arbitrages.
- Donner trop tard : ne pas profiter du rechargement des abattements tous les 15 ans.
- Reprendre le contrat sans stratégie de rachats optimisés (abattement 4 600 €/9 200 € après 8 ans, timing des PS du fonds en euros).
FAQ
Le contrat de capitalisation est-il réservé aux gros patrimoines ?
Non. S’il attire les patrimoines élevés pour ses options de donation et de démembrement, il reste pertinent pour des transmissions progressives, lisses et familiales, notamment quand les abattements de droit commun peuvent être mobilisés à intervalles réguliers.
Peut-on donner un contrat de capitalisation à un mineur ?
Oui. La donation peut viser un enfant mineur. Le contrat sera géré par ses représentants légaux jusqu’à la majorité. L’acte notarié est conseillé, avec des clauses de protection (inaliénabilité temporaire, droit de retour).
Que se passe-t-il si les héritiers ne souhaitent pas conserver le contrat ?
Ils peuvent effectuer un rachat total et clôturer le contrat pour percevoir les sommes. En cas de maintien, ils profitent de l’antériorité fiscale et de la purge des plus-values latentes au décès.
Les plus-values sont-elles imposées au moment de la succession ?
Non, les gains accumulés avant le décès ne sont pas imposés à la transmission ; seuls les intérêts futurs seront retenus pour la fiscalité des rachats (hors PS déjà prélevés sur le fonds en euros).
Comment se calcule la fiscalité des rachats après l’héritage ?
Seule la part des intérêts produits après la transmission est taxée à l’impôt sur le revenu, avec la possibilité d’utiliser l’abattement annuel après 8 ans (4 600 €/9 200 €). Les prélèvements sociaux de 17,2 % s’appliquent sur les intérêts.
La donation en démembrement est-elle vraiment plus avantageuse ?
Dans de nombreux cas, oui. La base taxable est limitée à la valeur de la nue-propriété (barème de l’article 669 CGI selon l’âge) ; à cela s’ajoutent les abattements de donation. Au décès, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété sans droits de succession.
Peut-on combiner assurance-vie et contrat de capitalisation ?
Oui, et c’est souvent recommandé : l’assurance-vie pour la transmission hors succession et ses abattements spécifiques, la capitalisation pour la donation, le démembrement et la continuité du contrat au décès.
Que se passe-t-il en cas de moins-values au décès ?
La valeur de rachat au décès (incluant pertes ou gains) est intégrée à la succession. L’héritier reprend le contrat à cette valeur ; les futurs rachats ne taxeront que les gains postérieurs à la transmission.
Un changement d’assureur est-il possible après la succession ?
La portabilité inter-assureurs n’est pas standard sur les contrats de capitalisation. Des solutions existent (rachat, réinvestissement) mais elles peuvent rompre l’antériorité fiscale. Mieux vaut arbitrer au cas par cas.
Le conjoint ou partenaire PACS paie-t-il des droits ?
En principe, le conjoint survivant et le partenaire de PACS sont exonérés de droits de succession. La logique civile de répartition s’applique néanmoins, et la gestion ultérieure du contrat suit les règles rappelées ci-dessus.
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