Facture électronique : tout ce qu’il faut savoir

La généralisation de la facturation électronique en France représente l’une des réformes les plus structurantes pour les entreprises depuis plusieurs décennies. À partir de septembre 2026, toutes les organisations assujetties à la TVA devront adapter leurs processus de facturation selon un nouveau cadre réglementaire. Cette transformation, bien au-delà d’une simple modernisation administrative, redéfinit entièrement les échanges commerciaux entre entreprises françaises. Après l’obligation mise en place dès 2020 pour les transactions avec le secteur public, cette extension au domaine privé marque une nouvelle étape décisive dans la digitalisation de l’économie française.

Facture Electronique
Mathieu Barthelemy
Par Mathieu BARTHELEMY Modifié le 26/09/25 à 14:26

Définition et caractéristiques de la facture électronique

Qu'entend-on réellement par facture électronique ?

La facture électronique ne doit pas être confondue avec une simple facture dématérialisée. Contrairement à un fichier PDF transmis par email, la facture électronique est une facture émise, transmise et reçue sous forme dématérialisée comportant des données structurées, permettant un traitement automatisé par les systèmes informatiques.

Basée sur l'article 289 du Code général des impôts, cette définition implique que les informations soient organisées selon une structure particulière et un mode de transmission normé par l'administration fiscale. Les champs obligatoires d'une facture traditionnelle demeurent applicables, tout en conservant leur valeur probante.

Attention
Une facture au format PDF, même créée et transmise numériquement, n'est pas considérée comme une facture électronique si elle ne respecte pas la structure normalisée imposée par la réglementation.

Les trois formats officiels reconnus

L'administration fiscale a défini trois formats acceptés pour la facturation électronique :

  • Le format UBL (Universal Business Language) : format entièrement structuré en données XML
  • Le format CII (Cross Industry Invoice) : également basé sur une structure XML complète
  • Le format Factur-X : format hybride combinant un document PDF lisible par l'humain et des données structurées XML

Le format Factur-X s'annonce comme le plus adopté par les entreprises françaises, car il présente l'avantage d'être à la fois lisible par les utilisateurs et traitable automatiquement par les systèmes informatiques. Il s'inscrit dans la Norme Sémantique Européenne de la facture électronique (EN 16931-1).

Nouvelles mentions obligatoires

La réforme introduit quatre nouvelles mentions obligatoires sur les factures électroniques :

  • Le numéro SIREN du client assujetti à la TVA
  • L'adresse de livraison complète lorsqu'elle diffère de l'adresse du client
  • La catégorie de l'opération : vente de biens, prestation de services ou mixte
  • La mention explicite de l'option pour la TVA aux débits

Ces informations viennent s'ajouter aux mentions traditionnellement requises et devront impérativement figurer sur toutes les factures électroniques.

Calendrier de déploiement et entreprises concernées

Une mise en œuvre progressive

L'entrée en vigueur de la réforme suit un calendrier échelonné tenant compte de la taille des entreprises :

1er septembre 2026 :

  • Obligation de réception des factures électroniques pour toutes les entreprises assujetties à la TVA, quelle que soit leur taille
  • Obligation d'émission et d'e-reporting pour les grandes entreprises et ETI

1er septembre 2027 :

  • Obligation d'émission des factures électroniques pour les PME, TPE et micro-entreprises
  • Mise en place de l'e-reporting pour ces mêmes structures
Important
Dès 2026, toutes les entreprises devront être techniquement capables de recevoir des factures électroniques, même si elles conservent temporairement le droit d'émettre des factures traditionnelles jusqu'en 2027.

Périmètre d'application

Toutes les transactions entre entreprises françaises assujetties à la TVA (B2B) sont concernées par cette réglementation, ainsi que les échanges avec l'administration publique (B2G).

Les transactions avec des particuliers (B2C) et les opérations avec des fournisseurs étrangers ne relèvent pas de la facturation électronique, mais font l'objet d'un dispositif spécifique appelé e-reporting.

Bon à savoir
Selon l'AIFE, près de 2 milliards de factures B2B ont été émises en 2021, auxquelles s'ajoutent 100 millions de factures B2G, représentant un volume considérable d'échanges à transformer.

E-invoicing et e-reporting : deux mécanismes complémentaires

L'e-invoicing pour les transactions nationales

L'e-invoicing concerne exclusivement les transactions entre entreprises assujetties à la TVA établies en France. Ce mécanisme impose la transmission en temps réel des données de facturation à l'administration fiscale via les plateformes agréées.

Les entreprises devront transmettre 26 données obligatoires dès la première phase de déploiement, incluant les informations traditionnelles (montants HT et TTC, taux de TVA, dates) ainsi que les nouvelles mentions réglementaires.

L'e-reporting pour les autres opérations

L'e-reporting complète le dispositif en couvrant les transactions non soumises à la facturation électronique :

  • Ventes à des particuliers (B2C), en France ou à l'étranger
  • Opérations avec des entreprises étrangères : ventes vers l'international ou achats intracommunautaires
  • Prestations de services soumises à la TVA à l'encaissement
  • Opérations avec autoliquidation de TVA

Contrairement à l'e-invoicing, ces données sont transmises sous forme de déclarations groupées périodiques, selon la fréquence adaptée au régime de TVA de l'entreprise.

À noter : Les informations à reporter incluent notamment le montant HT et TTC, la date de transaction, le pays du client, le taux de TVA appliqué et le mode de paiement.

Architecture technique : plateformes agréées et portail public

Abandon du schéma initial et recentrage du PPF

La réforme a connu une évolution majeure avec l'abandon du "schéma en Y" initialement prévu. Le Portail Public de Facturation (PPF) ne joue plus le rôle de plateforme d'échange mais se recentre sur deux missions essentielles :

  • La gestion d'un annuaire centralisé des entreprises
  • La fonction de concentrateur des données transmises par les Plateformes Agréées vers l'administration fiscale

Le rôle central des Plateformes Agréées

Toutes les factures électroniques devront obligatoirement transiter par une Plateforme Agréée (PA), anciennement appelée Plateforme de Dématérialisation Partenaire (PDP). Ces plateformes privées immatriculées par l'État assurent :

  • L'émission et la réception des factures électroniques
  • Le contrôle de conformité des documents
  • La gestion des statuts tout au long du cycle de vie des factures
  • La transmission des données au Portail Public de Facturation

Les entreprises peuvent choisir leur Plateforme Agréée parmi la centaine d'opérateurs déjà immatriculés par l'administration. Cette liberté de choix permet d'adapter la solution aux besoins spécifiques de chaque organisation.

Les Plateformes Agréées deviennent les partenaires de confiance dans les échanges entre les entreprises et l'État.

Interopérabilité et standards techniques

Les Plateformes Agréées doivent garantir une interopérabilité native entre elles, notamment grâce au standard PEPPOL (Pan-European Public Procurement Online). Cette interconnexion facilite les échanges de factures électroniques, y compris à l'international, et assure une fluidité des transactions quel que soit le choix de plateforme des partenaires commerciaux.

Objectifs et bénéfices de la réforme

Les quatre axes stratégiques de l'État

La loi de finances de 2020 explicite la volonté de moderniser la collecte et les modalités de contrôle de la TVA selon quatre objectifs majeurs :

  • Lutter contre la fraude à la TVA et réduire le "TVA Gap"
  • Simplifier les obligations déclaratives en matière de TVA
  • Améliorer la détection des anomalies et irrégularités
  • Obtenir une connaissance en temps réel de l'activité économique

Avantages concrets pour les entreprises

Au-delà des enjeux fiscaux, la réforme génère des bénéfices opérationnels significatifs :

Optimisation des processus :

  • Réduction du temps de traitement des factures de 44%
  • Diminution des incidents de retard de 20%
  • Amélioration de 3% de la productivité globale

Amélioration de la trésorerie :

  • Accélération des paiements
  • Réduction moyenne de 4 jours pour collecter les règlements
  • Meilleure prévisibilité des flux financiers

Transformation digitale :

  • Automatisation des tâches répétitives
  • Réduction des erreurs de saisie
  • 90% des PME considèrent la facture électronique comme un accélérateur de digitalisation

Sécurité et protection des données

Protection Donnees Facture Electronique

Enjeux de cybersécurité

La transition vers la facturation électronique soulève des questions légitimes concernant la protection des données sensibles. Les solutions doivent garantir l'intégrité, la confidentialité et la disponibilité des informations transmises entre les entreprises et l'administration fiscale.

Les fournisseurs de plateformes mettent en œuvre des protocoles de sécurité avancés :

  • Chiffrement des données en transit et au repos
  • Authentification forte des parties prenantes
  • Traçabilité complète des échanges
  • Conformité aux normes comme ISO 27001

Ces mesures visent à protéger les informations contre les accès non autorisés, les modifications illicites et les pertes de données, tout en respectant les exigences réglementaires en matière de confidentialité.

Préparation et conseils pratiques

Les cinq étapes indispensables

Pour réussir la transition vers la facturation électronique, les entreprises doivent suivre une démarche structurée :

1. Audit du système d'information
Inventaire complet des solutions comptables et commerciales impliquées dans les processus de facturation.

2. Nettoyage de la base de données
Mise à jour impérative des fichiers clients et fournisseurs avec les numéros SIREN/SIRET. Sans ces informations correctes, l'envoi des factures électroniques sera impossible.

3. Mise en conformité des factures
Intégration des nouvelles mentions obligatoires et vérification de la complétude des informations requises.

4. Mise à jour des logiciels
Installation des dernières versions des solutions de gestion compatibles avec la réglementation.

5. Choix et activation d'une Plateforme Agréée
Sélection d'un prestataire adapté aux besoins de l'entreprise et activation des services.

Coexistence temporaire des formats

Attention
Les factures papier et PDF ne disparaîtront pas immédiatement. En raison du calendrier progressif et des exceptions prévues (fournisseurs étrangers, transactions B2C), les entreprises devront gérer simultanément plusieurs formats pendant la période de transition.

Cette coexistence nécessite des solutions capables de traiter de manière homogène tous les types de documents entrants, qu'ils soient électroniques, papier ou PDF.

Impact sur les experts-comptables

Une transformation profonde du métier

La réforme redéfinit le rôle des cabinets d'expertise comptable. L'automatisation des flux de facturation libère du temps pour des missions à plus forte valeur ajoutée :

  • Analyse de données en temps réel
  • Optimisation de la trésorerie et suivi des règlements
  • Accompagnement à la transformation digitale
  • Mise en place de tableaux de bord personnalisés
  • Benchmark sectoriel et conseil stratégique

Opportunités d'accompagnement

Les experts-comptables deviennent des acteurs essentiels de la transition en proposant :

  • Formation et sensibilisation des équipes clients
  • Choix et paramétrage des solutions techniques
  • Accompagnement dans la mise en conformité
  • Support continu pendant la phase de déploiement

Cette évolution renforce leur positionnement de partenaire de confiance auprès des dirigeants d'entreprise.

"Loin de disparaître avec l'automatisation, le métier d'expert-comptable se réinvente là où la donnée devient un actif stratégique à interpréter et à valoriser."

Contexte international et perspectives

Une dynamique européenne

La France s'inscrit dans un mouvement européen plus large. L'Allemagne, l'Italie, la Pologne, la Belgique et l'Espagne ont déjà lancé ou annoncé des initiatives similaires. L'Union européenne encourage cette harmonisation à travers le projet ViDA (VAT in the Digital Age).

Pour les entreprises ayant des activités internationales, se préparer dès maintenant à la facturation électronique française constitue également une anticipation des évolutions réglementaires européennes.

"Se préparer à la facturation électronique nationale, c'est déjà se positionner sur l'échiquier européen de la TVA numérique de demain."

Solutions et acteurs du marché

De nombreuses solutions émergent pour accompagner cette transformation. Pour une analyse approfondie des différentes options disponibles, voir Yooz qui propose une plateforme agréée intégrée, permettant de gérer l'ensemble des flux de facturation électronique en toute conformité.

FAQ - Foire aux questions

Quand la facturation électronique devient-elle obligatoire ?

La réception des factures électroniques devient obligatoire le 1er septembre 2026 pour toutes les entreprises. L'émission sera obligatoire dès 2026 pour les grandes entreprises et ETI, et à partir de septembre 2027 pour les PME et TPE.

Quelle différence entre une facture PDF et une facture électronique ?

Une facture PDF est un simple fichier image, tandis qu'une facture électronique contient des données structurées permettant un traitement automatisé. Le format Factur-X combine les deux : un PDF lisible avec des données XML intégrées.

Les entreprises non assujetties à la TVA sont-elles concernées ?

Elles n'ont pas l'obligation d'émettre des factures électroniques, mais devront être capables d'en recevoir de la part de leurs fournisseurs assujettis.

Qu'est-ce qu'une Plateforme Agréée ?

C'est un prestataire privé immatriculé par l'État qui gère la transmission des factures électroniques entre les entreprises et vers l'administration fiscale. Toutes les factures électroniques devront obligatoirement transiter par ces plateformes.

Les factures internationales sont-elles concernées ?

Non, les factures avec des entreprises étrangères ne relèvent pas de l'e-invoicing mais de l'e-reporting, qui impose la transmission de données de transaction à l'administration fiscale.

Comment choisir sa Plateforme Agréée ?

Le choix dépend des besoins spécifiques : volume de factures, intégration avec les logiciels existants, services additionnels proposés, tarification et qualité de l'accompagnement.

Que se passe-t-il si une facture n'est pas conforme ?

Une facture non conforme sera automatiquement rejetée par la plateforme, empêchant sa transmission. Il est donc essentiel de vérifier la complétude des informations obligatoires.

L'e-reporting concerne-t-il toutes les entreprises ?

Oui, toutes les entreprises assujetties à la TVA devront effectuer de l'e-reporting pour leurs transactions B2C et internationales, selon le même calendrier que l'e-invoicing.

Les données de facturation sont-elles sécurisées ?

Les Plateformes Agréées doivent respecter des standards de sécurité stricts, incluant le chiffrement des données et l'authentification forte. Beaucoup sont certifiées ISO 27001.

Faut-il changer de logiciel comptable ?

Pas nécessairement, mais il faut s'assurer que le logiciel actuel est compatible avec la réglementation et peut se connecter à une Plateforme Agréée. Une mise à jour peut suffire.

Mathieu Barthelemy

Mathieu Barthélemy accompagne les créateurs d'entreprise dans leurs démarches juridiques, allant de la sélection du statut juridique à la gestion des obligations réglementaires, en fournissant des conseils pratiques et adaptés aux besoins de chaque entrepreneur.