Tableau de financement : tout ce qu’il faut savoir

Le tableau de financement représente bien plus qu’une simple formalité comptable. Véritable photographie financière de l’entreprise, cet outil permet aux dirigeants d’évaluer leur capacité à financer leurs projets, d’anticiper les tensions de trésorerie et de prendre des décisions éclairées. Que vous soyez chef d’entreprise, créateur ou simplement curieux de mieux comprendre les mécanismes financiers, ce document mérite toute votre attention.

Tableau De Financement
Mathieu Barthelemy
Par Mathieu BARTHELEMY Modifié le 23/10/25 à 11:47

Qu'est-ce qu'un tableau de financement ?

Le tableau de financement constitue un document de synthèse comptable qui retrace l'ensemble des mouvements financiers d'une entreprise sur une période déterminée, généralement un exercice comptable. Élaboré à partir du bilan comptable et du compte de résultat, il offre une vision dynamique de l'évolution du patrimoine de l'entreprise.

On le désigne également sous l'appellation de tableau emplois-ressources, car il met en parallèle deux notions fondamentales : les emplois, qui correspondent aux utilisations de fonds (investissements, remboursements d'emprunts, distributions de dividendes), et les ressources, qui représentent les origines des fonds (capacité d'autofinancement, nouveaux emprunts, augmentations de capital).

Une structure en deux tableaux distincts

La particularité de ce document réside dans sa construction en deux parties complémentaires. Le premier tableau se concentre sur les éléments du haut de bilan, c'est-à-dire les emplois et ressources stables qui impactent la structure financière à long terme. Le second tableau analyse les variations du bas de bilan, révélant ainsi les flux à court terme et leur influence sur la trésorerie quotidienne.

Cette double approche permet d'identifier précisément l'origine des variations de trésorerie : proviennent-elles de décisions stratégiques à long terme (investissements massifs, levées de fonds) ou de la gestion opérationnelle courante (délais de paiement clients, gestion des stocks) ?

Attention à ne pas confondre avec le plan de financement

Bien que leurs noms se ressemblent, le tableau de financement et le plan de financement remplissent des fonctions différentes. Le tableau de financement analyse rétrospectivement les flux passés sur un exercice comptable clôturé. À l'inverse, le plan de financement se projette dans l'avenir : établi lors de la création ou de la reprise d'une entreprise, il estime les besoins financiers futurs et les moyens d'y répondre.

Bon à savoir
Le tableau de financement peut néanmoins servir de base pour élaborer un plan de financement prévisionnel, en s'appuyant sur les données historiques pour anticiper les besoins futurs.

À quoi sert réellement le tableau de financement ?

Au-delà de son aspect réglementaire, le tableau de financement se révèle être un outil de pilotage indispensable pour tout dirigeant souhaitant garder le contrôle sur la santé financière de son entreprise.

Mesurer la capacité à créer de la richesse

Le tableau de financement permet d'évaluer si l'entreprise génère suffisamment de ressources pour couvrir ses besoins. En mettant en lumière la capacité d'autofinancement, il indique si l'activité dégage assez de liquidités pour financer de nouveaux investissements sans recourir systématiquement à l'endettement externe.

Comprendre les circuits financiers

Les flux financiers suivent des chemins parfois complexes au sein d'une entreprise. Le tableau de financement décode ces circuits en montrant comment les fonds circulent : d'où vient l'argent, où va-t-il, quels postes consomment le plus de ressources ? Cette compréhension fine aide à optimiser la politique financière et à identifier les leviers d'amélioration.

Détecter les déséquilibres avant qu'ils ne deviennent problématiques

L'un des atouts majeurs du tableau de financement réside dans sa capacité à révéler les tensions financières naissantes. En comparant les emplois et les ressources, il met en évidence les situations où les besoins excèdent les moyens disponibles. Cette détection précoce permet de prendre des mesures correctives rapidement : renégociation de délais de paiement, report d'investissements, recherche de financements complémentaires.

Évaluer la solvabilité et préparer les décisions stratégiques

Pour les établissements bancaires, investisseurs ou repreneurs potentiels, le tableau de financement constitue une pièce maîtresse du diagnostic financier. Il démontre la solvabilité de l'entreprise, c'est-à-dire sa capacité à honorer ses engagements financiers sur le court et le long terme. Dans le cadre d'une cession, d'une levée de fonds ou d'une demande de crédit, ce document joue un rôle déterminant.

Important
Le tableau de financement aide également à valoriser l'entreprise en fournissant une vision claire de sa structure financière et de ses perspectives de développement.

Le tableau de financement est-il une obligation légale ?

La législation française impose l'établissement du tableau de financement à certaines catégories d'entreprises, mais pas à toutes.

Les sociétés commerciales de type SAS, SARL, SA ou encore SNC doivent obligatoirement produire ce document dans leurs annexes comptables. Cette obligation s'inscrit dans le cadre de la transparence financière exigée par le Code de commerce.

Les associations qui perçoivent des subventions publiques sont également tenues d'établir un tableau de financement. Cette exigence vise à assurer la traçabilité de l'utilisation des fonds publics et à garantir une gestion rigoureuse des ressources confiées.

À noter : Certaines entreprises non commerciales peuvent aussi être concernées lorsqu'elles dépassent des seuils définis par décret, relatifs notamment au chiffre d'affaires, aux effectifs ou au total du bilan.

Même lorsque l'obligation légale ne s'applique pas, de nombreux entrepreneurs choisissent volontairement d'élaborer un tableau de financement. Les bénéfices en termes de pilotage et d'aide à la décision justifient largement cet effort.

Comment construire un tableau de financement ?

L'élaboration d'un tableau de financement nécessite méthode et rigueur. Avant de commencer, il convient de rassembler l'ensemble des documents comptables de l'exercice : bilan comptable, compte de résultat et annexes. Ces éléments fourniront toutes les données nécessaires pour alimenter les deux tableaux.

Première partie : le tableau des emplois et ressources stables

Le premier tableau se structure autour de quatre colonnes : les emplois à long terme et leurs montants, les ressources à long terme et leurs montants. L'objectif consiste à mesurer les flux financiers qui affectent durablement la structure de l'entreprise.

Les emplois stables : où part l'argent sur le long terme

Dans cette colonne figurent toutes les utilisations de fonds à caractère durable :

  • Les distributions de dividendes versées aux associés au titre de l'exercice précédent
  • Les acquisitions d'immobilisations, qu'elles soient corporelles (machines, véhicules, bâtiments), incorporelles (logiciels, brevets, fonds de commerce) ou financières (cautions, titres de participation)
  • Les charges à répartir sur plusieurs exercices
  • Les réductions de capitaux propres, notamment les remboursements de capital aux associés ou les retraits d'un exploitant individuel
  • Les remboursements de dettes financières : emprunts bancaires, emprunts obligataires, autres dettes financières (seul le capital remboursé compte, pas les intérêts)

Les ressources stables : d'où vient l'argent

En face des emplois, les ressources stables représentent les origines de financement à long terme :

  • La capacité d'autofinancement (CAF), qui mesure la richesse générée par l'activité. Elle se calcule ainsi : Résultat net de l'exercice + Dotations aux amortissements et provisions - Reprises sur amortissements et provisions + Valeur comptable des éléments d'actif cédés - Produits de cession d'éléments d'actif
  • Les cessions d'immobilisations, lorsque l'entreprise vend du matériel, des véhicules ou d'autres actifs immobilisés
  • Les augmentations de capitaux propres via des apports en numéraire ou en nature, ou la perception de subventions d'investissement
  • Les nouveaux emprunts contractés durant l'exercice (montant initial du crédit)
Bon à savoir
La CAF constitue un indicateur fondamental de la santé financière. Une CAF positive et croissante témoigne d'une entreprise qui génère suffisamment de liquidités pour se développer.

Le calcul de la variation du Fonds de Roulement Net Global (FRNG)

La différence entre les ressources stables et les emplois stables donne la variation du Fonds de Roulement Net Global. Ce résultat révèle l'état de l'équilibre financier :

  • Si le FRNG est positif, il s'inscrit dans la colonne "emplois". Cette situation est favorable : les ressources durables excèdent les emplois stables, ce qui signifie que l'entreprise dispose d'une marge de sécurité pour financer son activité courante.
  • Si le FRNG est négatif, il apparaît dans la colonne "ressources". Cela traduit un déséquilibre inquiétant : les emplois stables dépassent les ressources durables, obligeant l'entreprise à financer des investissements à long terme avec des ressources à court terme.

Seconde partie : le tableau des variations de l'actif circulant

Le second tableau décortique les mouvements du bas de bilan, c'est-à-dire les flux opérationnels à court terme. Il se divise en plusieurs sections qui permettent de comprendre comment évolue le besoin en fonds de roulement.

La variation d'exploitation

Cette section analyse les postes directement liés à l'activité commerciale :

Pour les actifs d'exploitation, on observe :

  • Les variations des stocks et en-cours (en valeur brute)
  • Les avances et acomptes versés sur commandes
  • Les créances clients et comptes rattachés

Pour les dettes d'exploitation, on suit :

  • Les avances et acomptes reçus sur commandes en cours
  • Les dettes fournisseurs et comptes rattachés

La différence entre ces variations donne le Besoin en Fonds de Roulement d'Exploitation (BFRE), qui mesure les décalages de trésorerie liés au cycle d'exploitation normal.

La variation hors exploitation

Cette partie regroupe les éléments financiers non directement liés à l'activité principale :

Du côté des débiteurs :

  • Les valeurs mobilières de placement
  • Les créances diverses
  • Les charges constatées d'avance hors exploitation
  • Les éventuels écarts de conversion

Du côté des créditeurs :

  • Les dettes fiscales (impôt sur les sociétés)
  • Les fournisseurs d'immobilisations
  • Les autres dettes diverses hors exploitation
  • Les produits constatés d'avance hors exploitation

On calcule ensuite le Besoin en Fonds de Roulement Hors Exploitation (BFRHE) en soustrayant les ressources des emplois hors exploitation.

La variation de trésorerie

Cette rubrique suit l'évolution des liquidités immédiates :

  • Les disponibilités (caisse, banque, chèques postaux)
  • Les concours bancaires courants et soldes créditeurs de banques
  • La trésorerie nette sur la période

Vérification : la variation du BFRNG

En additionnant le BFRE et le BFRHE, on obtient la variation du Besoin en Fonds de Roulement Net Global. Ce résultat doit impérativement correspondre à celui calculé dans le premier tableau. Cette concordance valide la cohérence et l'exactitude des calculs effectués.

Attention
Une différence entre les deux tableaux signale une erreur de saisie ou de calcul qu'il convient de corriger avant toute analyse.

Comment analyser et interpréter un tableau de financement ?

Un tableau de financement bien construit ne sert à rien s'il n'est pas correctement interprété. L'analyse doit porter sur plusieurs dimensions complémentaires.

L'analyse de l'équilibre financier à long terme

Le premier tableau révèle la politique financière globale de l'entreprise. Un excédent de ressources stables sur les emplois stables indique une gestion saine : l'entreprise finance ses investissements durables avec des moyens pérennes, sans fragiliser sa trésorerie à court terme.

À l'inverse, un déficit de ressources stables suggère que l'entreprise a peut-être investi au-delà de ses moyens ou distribué trop de dividendes. Cette situation exige une vigilance accrue et éventuellement un ajustement de la stratégie.

L'analyse de la gestion opérationnelle

Le second tableau éclaire la gestion quotidienne. Une augmentation du BFR d'exploitation peut provenir de plusieurs facteurs : allongement des délais de paiement clients, accumulation de stocks, réduction des délais fournisseurs. Identifier la cause permet de cibler les actions correctives : relance des clients, optimisation des stocks, renégociation avec les fournisseurs.

Le redoutable effet de ciseaux

L'analyse du tableau de financement permet de détecter l'effet de ciseaux, un phénomène dangereux qui touche les entreprises en forte croissance. Lorsque l'activité explose, le chiffre d'affaires augmente rapidement, tout comme l'excédent brut d'exploitation (EBE). Mais dans le même temps, l'entreprise doit constituer plus de stocks, accorder plus de crédit clients, ce qui gonfle le BFR.

Si le BFR augmente plus vite que l'EBE, les deux courbes se croisent comme les lames de ciseaux qui se referment. La trésorerie se dégrade alors brutalement malgré la croissance, pouvant conduire à des difficultés graves. Le tableau de financement permet de surveiller cette dynamique et d'agir avant que la situation ne devienne critique.

L'évaluation de la solvabilité

Banquiers, investisseurs et partenaires commerciaux scrutent le tableau de financement pour évaluer la solvabilité de l'entreprise. Une entreprise solvable dispose de ressources suffisantes pour honorer ses dettes à toutes échéances. Le tableau montre si elle génère assez de liquidités par son activité (CAF positive), si elle maîtrise son BFR, et si elle maintient un niveau de trésorerie satisfaisant.

Le lien entre bilan et compte de résultat

Le tableau de financement fait le pont entre deux documents fondamentaux : le bilan (qui photographie le patrimoine à un instant T) et le compte de résultat (qui mesure la performance sur une période). Cette articulation permet de comprendre comment le résultat impacte la trésorerie et pourquoi bénéfice comptable ne rime pas toujours avec liquidités disponibles.

Les autres tableaux financiers complémentaires

Le tableau de financement s'inscrit dans un écosystème d'outils comptables et financiers qui se complètent mutuellement.

Le bilan comptable présente la situation patrimoniale de l'entreprise à la clôture de l'exercice, en listant actifs et passifs. Le compte de résultat recense les produits et charges pour calculer le résultat net. Le plan de financement prévisionnel projette les besoins et ressources futurs, particulièrement utile en phase de création ou de développement. Le budget de trésorerie affine la prévision à court terme, souvent sur 12 mois glissants. Les soldes intermédiaires de gestion (SIG) décomposent la formation du résultat en plusieurs étapes, mettant en lumière les marges à différents niveaux. Enfin, le tableau de bord de gestion suit en continu les indicateurs clés de performance pour piloter l'activité au quotidien.

À noter : Ces outils ne se substituent pas les uns aux autres, mais s'enrichissent mutuellement pour offrir une vision complète de la santé financière de l'entreprise.

Conseils pratiques pour établir votre tableau de financement

Face à la complexité apparente du document, plusieurs solutions s'offrent aux dirigeants.

S'équiper des bons outils

De nombreux logiciels de comptabilité génèrent automatiquement le tableau de financement à partir des données saisies dans le grand livre. Cette automatisation réduit considérablement le risque d'erreur et fait gagner un temps précieux. Les solutions comme Sage, EBP, Indy ou encore Zervant intègrent cette fonctionnalité.

Pour les entreprises de plus petite taille ou les entrepreneurs individuels, des modèles Excel téléchargeables permettent de construire le tableau manuellement. Ces fichiers préformatés guident la saisie et calculent automatiquement les totaux et variations.

Faire appel à un expert-comptable

L'accompagnement d'un professionnel s'avère souvent judicieux, surtout lors des premiers exercices. L'expert-comptable maîtrise les subtilités techniques, garantit la conformité réglementaire et apporte surtout une analyse approfondie des résultats. Son regard externe aide à identifier des leviers d'amélioration que le dirigeant, trop immergé dans l'opérationnel, pourrait ne pas voir.

Bon à savoir
Au-delà de l'établissement du tableau, l'expert-comptable peut transformer ce document en véritable outil de pilotage en proposant des tableaux de bord personnalisés et des analyses de tendance.

FAQ - Questions fréquentes sur le tableau de financement

Quel est le but principal du tableau de financement ?

Le tableau de financement vise à analyser les variations de patrimoine et de trésorerie d'une entreprise sur un exercice comptable. Il liste l'ensemble des emplois et ressources pour déterminer si l'entreprise génère suffisamment de liquidités pour financer ses besoins, et identifier l'origine des flux financiers.

Quels sont les modes de financement possibles pour une petite entreprise ?

Les petites entreprises disposent de plusieurs options de financement. Le financement interne comprend l'autofinancement grâce à la capacité d'autofinancement, les apports personnels et les apports au capital. Le financement externe regroupe les emprunts bancaires classiques, le crédit-bail, la location financière, les prêts d'honneur à taux zéro, les subventions et aides à la création, ainsi que les prêts participatifs.

Comment une entreprise peut-elle améliorer sa trésorerie ?

Plusieurs leviers permettent d'améliorer la trésorerie. Réduire les délais de paiement clients en relançant activement et en proposant des escomptes pour paiement rapide. Optimiser la gestion des stocks pour éviter l'immobilisation excessive de liquidités. Négocier des délais de paiement fournisseurs plus longs. Maîtriser les investissements en privilégiant les achats indispensables. Augmenter la capacité d'autofinancement en améliorant la rentabilité de l'activité.

Quelle différence entre le tableau de financement et le tableau de flux de trésorerie ?

Le tableau de financement analyse les variations du fonds de roulement en distinguant haut et bas de bilan, tandis que le tableau de flux de trésorerie se concentre exclusivement sur les mouvements de trésorerie en les classant par nature : flux d'exploitation, flux d'investissement et flux de financement. Les deux documents sont complémentaires mais offrent des angles d'analyse différents.

Tous les exercices doivent-ils figurer dans le tableau de financement ?

Le tableau de financement se construit généralement sur un seul exercice comptable, en comparant le bilan de clôture avec le bilan d'ouverture. Toutefois, pour une analyse de tendance pertinente, il est recommandé d'établir le tableau sur plusieurs exercices consécutifs afin d'observer l'évolution des flux financiers dans le temps.

Pourquoi établir un plan de financement en complément ?

Le plan de financement est un document prévisionnel qui équilibre les dépenses et ressources futures pour garantir la viabilité à long terme. Établi avec le bilan et le compte de résultat prévisionnels, il accompagne souvent le tableau de financement pour projeter l'entreprise dans l'avenir. Il s'avère particulièrement utile lors de créations d'entreprise, de levées de fonds ou de demandes de crédit.

Quels sont les principaux ratios à calculer à partir du tableau de financement ?

Plusieurs ratios financiers découlent du tableau de financement. Le ratio d'autonomie financière (capitaux propres / total passif) mesure l'indépendance vis-à-vis des créanciers. Le ratio de couverture des emplois stables (ressources stables / emplois stables) évalue la capacité à financer les investissements. Le ratio de variation du BFR en jours de chiffre d'affaires quantifie le besoin en fonds de roulement. Ces indicateurs complètent l'analyse qualitative du tableau.

Mathieu Barthelemy

Mathieu Barthélemy accompagne les créateurs d'entreprise dans leurs démarches juridiques, allant de la sélection du statut juridique à la gestion des obligations réglementaires, en fournissant des conseils pratiques et adaptés aux besoins de chaque entrepreneur.