Taux immobilier : faut-il vraiment s’inquiéter de la hausse d’octobre ?

Le répit aura été de courte durée. Après quelques mois d’accalmie qui avaient redonné espoir aux candidats à l’achat, les taux de crédit immobilier repartent à la hausse en ce début octobre 2025. Une remontée progressive mais bien réelle qui pourrait bouleverser les plans de milliers de Français. Entre tension sur les marchés obligataires et contexte politique chaotique, le timing ne pouvait pas être pire pour ceux qui espéraient encore décrocher leur bien au meilleur prix.

Hausse Taux Immobilier Octobre 2025
Mathieu Barthelemy
Par Mathieu BARTHELEMY Modifié le 07/10/25 à 15:47

"J'ai passé six mois à chercher l'appartement idéal", confie Marc, 42 ans, cadre commercial à Villeurbanne. "Quand j'ai enfin trouvé, ma banque m'annonce que le taux a encore grimpé depuis mon dernier rendez-vous il y a trois semaines. On parle de 200 euros de plus sur ma mensualité. Je ne sais plus si je dois foncer ou attendre que ça redescende."

Cette incertitude, des dizaines de milliers de Français la partagent en cette rentrée d'automne. Car derrière ces quelques dixièmes de points qui grimpent se cachent des questions bien concrètes : faut-il signer maintenant ou patienter ? Les taux vont-ils continuer à augmenter ? Et surtout, comment sécuriser son projet dans ce contexte mouvant ?

3,28% sur 20 ans : la nouvelle réalité du marché

Les chiffres d'octobre sont sans appel. Selon les données du courtier Meilleurtaux.com, les taux moyens atteignent désormais 3,16% pour un emprunt sur 15 ans, 3,28% sur 20 ans et grimpent à 3,38% pour les durées de 25 ans. Des niveaux qui marquent une rupture nette avec la tendance observée au premier semestre 2025.

"Ce n'est pas une explosion, certes, mais c'est une remontée qui s'installe", analyse Sophie Garnier, courtière immobilière dans la région lyonnaise depuis quinze ans. "En juin, j'obtenais du 3,05% sans forcer sur les dossiers corrects. Aujourd'hui, même avec un excellent profil, difficile de descendre sous les 3,15%. Ça change la donne pour beaucoup de mes clients."

La faute à l'OAT 10 ans qui s'emballe

Derrière cette hausse se cache un coupable bien identifié : le taux de l'OAT 10 ans, cette obligation par laquelle l'État français emprunte de l'argent. Utilisée comme référence par les banques pour fixer leurs propres taux de crédit, l'OAT 10 ans subit depuis plusieurs semaines une pression considérable des marchés obligataires.

Concrètement, quand l'État français emprunte plus cher, les banques répercutent cette hausse sur les particuliers. Et avec une note de la France dégradée par l'agence Fitch en septembre, un budget 2025 toujours bloqué et une instabilité politique chronique, les investisseurs internationaux exigent des taux plus élevés pour prêter à la France.

Attention
Cette situation crée un paradoxe inédit. Aujourd'hui, l'État français emprunte parfois plus cher que certains particuliers ayant un excellent dossier. Un signal inquiétant sur la perception de notre pays par les marchés financiers.

"Je n'avais jamais vu ça en vingt ans de métier", s'étonne Patrick, directeur d'agence bancaire à Bron. "Des clients avec CDI, 20% d'apport et zéro incident bancaire qui obtiennent des taux inférieurs à ce que paie l'État. C'est le monde à l'envers, mais ça montre surtout à quel point la situation politique pèse sur notre économie."

Mais le pouvoir d'achat immobilier résiste

Pourtant, dans cette tempête de mauvaises nouvelles, une lueur d'espoir persiste. Car si les taux augmentent légèrement, les prix de l'immobilier, eux, stagnent voire baissent dans de nombreuses villes. Résultat : le pouvoir d'achat immobilier des Français ne s'effondre pas, bien au contraire.

Selon les calculs de Meilleurtaux.com, pour une mensualité de 1000 euros sur 20 ans, il est aujourd'hui possible d'acquérir en moyenne neuf mètres carrés de plus qu'il y a deux ans. Une donnée qui peut paraître contre-intuitive, mais qui s'explique par la correction des prix immobiliers intervenue depuis 2023.

L'exemple de Camille à Vénissieux

"J'ai acheté un T3 de 68 m² en août", raconte Camille, 29 ans, infirmière. "Le vendeur l'avait mis en vente à 185 000 euros en mars 2023. Il n'a jamais trouvé preneur. Je l'ai eu à 165 000 euros. Même avec un taux à 3,20%, ma mensualité reste sous les 900 euros. Il y a deux ans, au même prix de départ avec les taux d'alors, j'aurais payé plus de 1100 euros par mois."

Cette situation explique pourquoi, malgré des taux en hausse, le marché immobilier n'est pas complètement gelé. Les vendeurs, conscients du contexte difficile, acceptent de négocier. Les acheteurs bien préparés peuvent donc saisir des opportunités intéressantes.

Bon à savoir
Dans les grandes métropoles comme Lyon, les écarts de prix entre quartiers se creusent. Pendant que les secteurs les plus prisés résistent, d'autres zones voient leurs prix chuter de 10 à 15%. Une aubaine pour ceux qui acceptent d'élargir leur périmètre de recherche.

Les banques jouent le jeu malgré tout

Autre élément rassurant dans ce tableau contrasté : les établissements bancaires continuent de financer les projets, et parfois même en acceptant de réduire leurs marges. Une stratégie qui peut surprendre dans un contexte de hausse des taux, mais qui s'explique par la nécessité de relancer un marché immobilier à l'arrêt depuis deux ans.

"Nous avons des objectifs commerciaux à tenir", confie sous couvert d'anonymat un responsable d'agence d'une grande banque nationale. "Le crédit immobilier reste notre produit d'appel principal. Un client qui achète, c'est aussi quelqu'un qui va domicilier ses revenus chez nous, souscrire une assurance habitation, ouvrir des placements. On accepte de gagner moins sur le crédit pour fidéliser sur le long terme."

Des dossiers validés plus facilement

Conséquence directe de cette volonté de relancer le marché : les banques se montrent moins rigides sur l'étude des dossiers. Les critères restent exigeants, certes, mais les marges de négociation existent pour les profils solides.

"Il y a un an, on me demandait 15% d'apport minimum", témoigne Julien, 35 ans, qui vient d'acheter une maison à Décines. "Cette fois, ma banque a accepté avec 10%, à condition que je transfère mon épargne salariale chez eux et que je prenne leur assurance emprunteur. J'ai calculé, même en ajoutant tous ces frais, je sors gagnant par rapport à l'an dernier."

À noter : Les primo-accédants et les projets incluant des travaux de rénovation énergétique bénéficient souvent de conditions plus favorables. N'hésitez pas à mettre en avant ces éléments lors de vos négociations avec les banques.

Faut-il attendre ou foncer maintenant ?

La question taraude tous les candidats à l'achat en ce mois d'octobre. Les professionnels du secteur sont désormais unanimes : il ne faut plus attendre une hypothétique baisse des taux. Les raisons de cette recommandation sont multiples et méritent qu'on s'y attarde.

Premièrement, rien ne garantit que les taux vont baisser dans les prochains mois. Au contraire, plusieurs analystes anticipent une poursuite de la hausse d'ici la fin 2025. L'instabilité politique française, les tensions géopolitiques internationales et la prudence de la Banque centrale européenne ne plaident pas pour un retour à la baisse rapide.

Le risque de voir les bons dossiers partir

"Chaque semaine qui passe, je vois des biens qui se vendent", observe Nathalie, agent immobilier à Caluire-et-Cuire. "Les vendeurs motivés qui ont accepté de baisser leurs prix trouvent preneur. Les acheteurs qui attendent encore pensent qu'ils auront mieux demain. Sauf que les bonnes affaires, elles, ne les attendent pas."

Deuxièmement, l'amélioration du pouvoir d'achat immobilier grâce à la baisse des prix pourrait ne pas durer éternellement. Si les taux se stabilisent et que la confiance revient progressivement sur le marché, les prix pourraient repartir à la hausse. Ceux qui auront acheté aujourd'hui auront alors fait une excellente opération.

Important
Un taux légèrement plus élevé sur un bien acheté 15 000 euros moins cher reste plus avantageux qu'un taux bas sur un bien au prix fort. Faites vos simulations précises avant de décider.

L'histoire de Thomas qui a trop attendu

"J'ai raté mon coup", admet Thomas, 44 ans, qui cherche à acheter depuis un an. "En janvier 2025, j'avais trouvé un appartement à 220 000 euros avec un taux à 3,05%. J'ai voulu attendre que ça baisse encore. Le bien a été vendu, les taux sont remontés, et aujourd'hui avec mon budget je ne trouve plus rien d'équivalent. J'aurais dû signer."

Cette histoire, des courtiers en entendent des dizaines chaque mois. L'attente d'un timing parfait qui ne vient jamais, pendant que les opportunités passent et que les conditions se dégradent progressivement.

Comment maximiser ses chances malgré la hausse

Mais même dans un contexte de taux en hausse, des stratégies existent pour optimiser son financement et concrétiser son projet immobilier. Voici les conseils des professionnels pour naviguer dans ce marché complexe.

Soigner son dossier comme jamais

La qualité du dossier devient primordiale dans un environnement où les banques disposent de moins de marge de manœuvre. Apport personnel conséquent, stabilité professionnelle, gestion bancaire irréprochable : chaque élément compte pour obtenir le meilleur taux possible.

"Je conseille à mes clients de préparer leur dossier trois mois avant de commencer à chercher", explique Véronique, courtière spécialisée. "Soldez vos crédits à la consommation, évitez les découverts, épargnez régulièrement. Ces petits détails peuvent vous faire gagner 0,15 point sur votre taux, soit plusieurs milliers d'euros sur la durée du prêt."

Jouer la concurrence sans relâche

Dans un marché où les écarts de taux entre établissements peuvent atteindre 0,30 point, faire jouer la concurrence devient indispensable. Un courtier peut s'avérer être un investissement rentable en négociant pour vous auprès de multiples banques simultanément.

"J'ai contacté cinq banques directement, j'ai obtenu entre 3,35% et 3,55%", raconte Élodie, qui vient d'acheter à Villefranche-sur-Saône. "Mon courtier m'a dégoté du 3,18% dans une banque régionale que je ne connaissais même pas. Les 500 euros de frais de courtage sont largement amortis."

Explorer toutes les pistes de financement

Prêt à taux zéro pour les primo-accédants, prêts action logement pour les salariés du privé, aides locales pour les achats dans certaines communes : les dispositifs d'aide au financement sont nombreux mais méconnus. Pourtant, ils peuvent faire pencher la balance sur un projet limite.

Bon à savoir
Le PTZ (prêt à taux zéro) a été reconduit pour 2025 et reste accessible sous conditions de ressources pour l'achat d'un logement neuf ou ancien avec travaux. Un apport gratuit qui peut compenser largement la hausse des taux.

Les trois mois qui vont décider de tout

Si les professionnels incitent à ne plus attendre, c'est aussi parce que les prochains mois s'annoncent décisifs pour l'évolution des taux. Plusieurs événements majeurs pourraient faire basculer le marché dans un sens ou dans l'autre.

Fin octobre et fin novembre, les agences de notation Moody's et Standard & Poor's doivent se prononcer sur la dette française. Une nouvelle dégradation pourrait faire bondir l'OAT 10 ans et, par effet domino, les taux immobiliers. À l'inverse, si la France parvient à présenter un budget crédible, les marchés pourraient se détendre.

La Banque centrale européenne, de son côté, pourrait décider de nouvelles baisses de ses taux directeurs d'ici la fin de l'année. Mais avec une inflation qui reste tenace autour de 2%, rien n'est acquis. La prudence semble être le maître-mot à Francfort.

Attention
Les taux d'usure, qui fixent le plafond légal des crédits, sont révisés chaque trimestre. Une hausse trop importante pourrait bloquer l'accès au crédit pour les dossiers fragiles, comme ce fut le cas en 2022-2023.

Témoignage : "J'ai acheté malgré la hausse et je ne regrette rien"

Claire, 36 ans, a finalisé l'achat de son appartement début septembre à Tassin-la-Demi-Lune, juste avant la nouvelle poussée des taux. Son témoignage éclaire sur ce que représente concrètement cette hausse au quotidien.

"Mon taux est à 3,22% sur 25 ans pour un emprunt de 235 000 euros. Oui, j'aurais pu avoir du 2,95% il y a un an. Mais le même bien était à 265 000 euros à l'époque. Au final, avec la négociation que j'ai menée, je paie 1087 euros par mois. Il y a un an, j'aurais payé 1145 euros pour le même bien. Alors certes, je paie plus d'intérêts, mais ma mensualité est plus basse."

Ce calcul pragmatique, de plus en plus d'acheteurs le font. L'obsession du taux le plus bas cède progressivement la place à une vision plus globale du coût d'acquisition, où le prix négocié du bien pèse autant, voire plus, que le taux obtenu.

Se projeter sans paniquer

La hausse des taux immobiliers en octobre 2025 est une réalité qu'il serait vain de nier. Mais elle doit être replacée dans son contexte : des prix immobiliers en baisse, des banques qui continuent de prêter, et un pouvoir d'achat immobilier qui, globalement, se maintient.

Pour les candidats à l'achat, le message des professionnels est clair : ne vous laissez pas paralyser par la peur d'une mauvaise décision. Un projet immobilier bien préparé, avec un dossier solide et une négociation menée intelligemment, reste tout à fait viable dans ce contexte de taux à 3,3%.

"Les taux parfaits n'existent pas", philosophe Gérard, courtier depuis 1998. "J'ai vu des clients acheter à 6% en 2008 qui ont fait d'excellentes affaires car ils ont acheté au bon moment du cycle immobilier. Et j'en ai vu acheter à 1,2% en 2021 au plus haut du marché qui le regrettent aujourd'hui. Le taux n'est qu'un paramètre parmi d'autres."

Une chose est sûre : dans trois mois, le paysage aura encore évolué. Les taux auront peut-être grimpé de quelques dixièmes supplémentaires, ou peut-être se seront-ils stabilisés. Mais les bonnes affaires d'aujourd'hui, elles, auront été saisies par ceux qui n'auront pas tergiversé.

Important
Si vous hésitez encore, faites au minimum une simulation complète de votre capacité d'emprunt actuelle. Cela vous donnera une base concrète pour prendre votre décision, plutôt que de naviguer dans le brouillard des "peut-être" et des "on verra bien".
Mathieu Barthelemy

Mathieu Barthélemy accompagne les créateurs d'entreprise dans leurs démarches juridiques, allant de la sélection du statut juridique à la gestion des obligations réglementaires, en fournissant des conseils pratiques et adaptés aux besoins de chaque entrepreneur.