Le contrat de capitalisation pour personne morale : le guide complet

Les dirigeants d’entreprise disposant d’une trésorerie excédentaire se trouvent souvent face à un dilemme : comment faire fructifier ces liquidités tout en conservant une certaine souplesse ? Le contrat de capitalisation s’impose comme une solution méconnue mais particulièrement adaptée aux besoins des personnes morales. Ce dispositif d’épargne, proche cousin de l’assurance-vie, offre des perspectives intéressantes pour les sociétés cherchant à optimiser la gestion de leurs excédents de trésorerie sans sacrifier la disponibilité des fonds.

Contrat De Capitalisation Personne Morale
Mathieu Barthelemy
Par Mathieu BARTHELEMY Modifié le 06/10/25 à 15:38

Comprendre le contrat de capitalisation

Définition et fonctionnement du dispositif

Le contrat de capitalisation constitue une enveloppe d'épargne accessible aux personnes physiques comme aux personnes morales. Contrairement à l'assurance-vie qui reste interdite aux entreprises, ce placement permet aux sociétés de placer leurs capitaux sur différents supports financiers. Son principe est simple : l'entreprise effectue des versements qui sont investis selon la stratégie choisie, et les fonds peuvent être récupérés à tout moment par le biais de rachats partiels ou totaux.

À noter : Le contrat de capitalisation ne comporte aucun plafond de versement, ce qui en fait un outil particulièrement adapté aux structures disposant de fonds propres importants ou connaissant des variations significatives de leurs bénéfices d'une année à l'autre.

Les différents types de contrats proposés

Deux grandes catégories de contrats se distinguent sur le marché. Le contrat monosupport repose exclusivement sur un fonds en euros. Cette formule séduit les entreprises privilégiant la sécurité puisqu'elle offre une garantie en capital. Le fonds euros génère des intérêts qui sont définitivement acquis chaque année, protégeant ainsi l'épargne constituée.

Le contrat multisupport propose quant à lui une approche plus diversifiée. Il combine l'accès au fonds euros avec la possibilité d'investir sur des unités de compte variées : actions, obligations, OPCVM, SCPI immobilières... Cette diversification permet de viser des rendements potentiellement plus élevés, mais implique également d'accepter un risque de perte en capital sur les supports en unités de compte.

Quelles entreprises peuvent y souscrire ?

Les personnes morales éligibles en principe

Toutes les entreprises ne peuvent pas accéder librement au contrat de capitalisation. Les organismes de droit privé sans but lucratif figurent parmi les premiers bénéficiaires : associations, fondations et autres structures non lucratives peuvent souscrire sans difficulté particulière.

Les sociétés patrimoniales et holdings passives constituent le second groupe privilégié. Ces structures ont pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine, qu'il soit mobilier ou immobilier. Une holding animatrice exerçant un contrôle actif sur ses filiales se trouve en revanche dans une situation différente.

Les sociétés civiles immobilières (SCI) peuvent également profiter de ce dispositif, particulièrement lorsqu'elles gèrent des biens immobiliers personnels ou d'entreprise. Cette solution leur permet de bénéficier de la fiscalité attractive du contrat de capitalisation pour gérer leurs excédents de trésorerie.

Les restrictions posées par la FFA

La Fédération Française de l'Assurance a adopté en mars 2019 une charte déontologique qui encadre l'accès au contrat de capitalisation. Selon ce texte, les compagnies d'assurances membres de la FFA s'engagent à refuser les souscriptions émanant d'entreprises industrielles, commerciales et artisanales, ainsi que des personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés dans un cadre d'exploitation commerciale.

Attention
Dans la pratique, certains assureurs acceptent malgré tout les souscriptions de sociétés commerciales ou soumises à l'IS. Ils peuvent alors imposer des conditions spécifiques, notamment concernant l'accès au fonds euros ou à certaines unités de compte. La situation varie d'un établissement à l'autre.

Pourquoi opter pour ce placement ?

Optimiser sa trésorerie d'entreprise

Le premier intérêt du contrat de capitalisation réside dans sa capacité à faire fructifier les excédents de trésorerie. Plutôt que de laisser dormir des liquidités sur un compte courant faiblement rémunéré, l'entreprise peut les placer sur différents supports adaptés à son profil de risque et à ses besoins de disponibilité.

La diversification du patrimoine constitue un autre avantage notable. Grâce à la variété des supports disponibles - fonds euros, actions, obligations, OPCVM, immobilier - la société peut répartir ses investissements et ne pas dépendre d'une seule classe d'actifs. Cette approche permet de mieux gérer le couple rendement-risque selon les objectifs de l'entreprise.

Bon à savoir
La disponibilité du capital à tout moment représente un atout majeur pour les sociétés. En cas de besoin, les rachats partiels ou totaux permettent de récupérer les fonds sans avoir recours à l'emprunt bancaire. Certains contrats haut de gamme proposent même des avances sur rachat pour répondre aux besoins urgents de liquidités.
Attention
Les rachats effectués sur un fonds euros avant la quatrième année de détention entraînent des pénalités. La rémunération est réduite proportionnellement au montant racheté, ce qui incite à privilégier une vision de moyen terme pour ce type de support.

Les usages stratégiques du contrat

Au-delà du simple placement de trésorerie, le contrat de capitalisation peut servir des objectifs plus larges. Dans le cadre de la transmission d'entreprise, il facilite la continuité dans la gestion du patrimoine. Les contrats peuvent être cédés ou donnés, offrant ainsi une certaine souplesse dans l'organisation de la succession.

Les obligations financières liées aux ressources humaines trouvent également une réponse dans ce dispositif. Le contrat peut être utilisé pour constituer une réserve destinée au versement des indemnités de fin de carrière (IFC) ou des indemnités de licenciement. Cette approche permet d'anticiper et de lisser ces charges dans le temps.

La possibilité de donner le contrat en nantissement constitue un autre usage stratégique. Cette mise en garantie facilite l'obtention de prêts bancaires, le contrat de capitalisation servant de sûreté pour le créancier.

La fiscalité applicable aux personnes morales

Pour les sociétés soumises à l'impôt sur le revenu

Les entreprises relevant de l'IR bénéficient d'une fiscalité identique à celle des particuliers. Ces sociétés fiscalement transparentes - EURL, SARL, SCI, entreprises individuelles - voient leurs revenus imposés directement au niveau des associés, au prorata des droits sociaux détenus.

Lors d'un rachat, seuls les gains et plus-values sont imposés. Le taux d'imposition varie selon deux paramètres : la date de versement des primes et l'ancienneté du contrat. Pour les versements effectués après le 27 septembre 2017, un acompte de 12,8% est prélevé l'année du rachat. L'année suivante, les associés peuvent opter pour le prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 12,8% ou pour le barème progressif de l'IR.

Pour les versements réalisés avant le 27 septembre 2017, le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) peut être choisi dès l'année du rachat, avec des taux variant selon l'ancienneté : 35% avant 4 ans, 15% entre 4 et 8 ans, et 7,5% au-delà de 8 ans.

À noter : Après 8 ans de détention, un abattement fiscal annuel s'applique : 4 600 euros pour une personne seule et 9 200 euros pour un couple. Dans le cadre d'une personne morale à l'IR, cet abattement se cumule pour chaque foyer fiscal présent dans la société, ce qui peut représenter un avantage fiscal significatif.

Les prélèvements sociaux de 17,2% s'ajoutent à l'imposition sur le revenu pour les personnes morales à l'IR.

Pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés

La fiscalité des contrats détenus par des sociétés à l'IS présente des spécificités importantes. Le principe repose sur une taxation forfaitaire annuelle, indépendante de l'évolution réelle du contrat et due même en l'absence de rachat.

L'assiette d'imposition se calcule en revalorisant les versements effectués (diminués des éventuels rachats) au taux de 105% du taux moyen d'emprunt d'État (TME) en vigueur au moment de la souscription. Prenons un exemple concret : pour un contrat souscrit en décembre 2023 avec un versement de 300 000 euros et un TME de 2,71%, le calcul donne : 300 000 × (105% × 2,71%) = 300 000 × 2,85% = 8 550 euros. Cette somme sera taxée annuellement selon le taux d'IS de l'entreprise, en l'absence de rachat.

Bon à savoir
Lorsque le TME est négatif au moment de la souscription, aucune taxation annuelle n'est due en l'absence de rachat. Cette situation s'est présentée durant certaines périodes de taux bas.

Cette taxation forfaitaire constitue en réalité une avance fiscale. Au moment d'un rachat partiel ou total, une régularisation intervient en fonction des intérêts réellement générés par le contrat. Si la performance réelle dépasse le rendement forfaitaire déjà taxé, un complément d'impôt est dû. Dans le cas inverse, le trop-payé peut être déduit du résultat fiscal de l'exercice, avec un report possible sur les années suivantes si nécessaire. L'impôt n'est toutefois pas restituable en numéraire.

Pour les contrats monosupports investis uniquement en fonds euros, les intérêts sont acquis annuellement et donc taxés pour leur montant réel, et non selon le mécanisme forfaitaire.

Important
Les personnes morales soumises à l'IS ne sont pas assujetties aux prélèvements sociaux, contrairement aux sociétés à l'IR. Cette caractéristique rend le dispositif d'autant plus intéressant fiscalement.

Ce mode de calcul présente plusieurs avantages : il permet de lisser la fiscalité dans le temps sur toute la durée du contrat et évite d'être imposé sur les plus-values latentes, c'est-à-dire les gains non encore réalisés.

Pour les organismes sans but lucratif

Les associations et fondations relèvent d'un régime spécifique. Pour les contrats souscrits après le 1er janvier 1993, conformément à l'article 238 septies E du Code général des impôts, la taxation s'effectue en deux temps : 10% d'imposition annuelle sur les intérêts, puis 24% au moment du rachat sur les intérêts qui n'ont pas encore été imposés.

Pour les contrats monosupports détenus par des OSBL, l'imposition se fait directement au taux de 24% annuellement.

À noter : Le caractère non lucratif d'un organisme n'est pas remis en question par le fait qu'il réalise des placements financiers et génère des produits financiers.

Points forts et limites du dispositif

Les avantages pour les personnes morales

Le contrat de capitalisation présente de nombreux atouts pour les entreprises :

  • Placement et valorisation de la trésorerie : les excédents de liquidités sont mis au travail plutôt que de rester improductifs
  • Absence de taxation sur les plus-values latentes : seuls les gains réalisés sont imposés (sauf pour les sociétés à l'IS avec leur système de taxation forfaitaire)
  • Lissage fiscal : pour les sociétés à l'IS, l'imposition est répartie sur la durée du placement
  • Pas de prélèvements sociaux : les personnes morales à l'IS en sont exemptées
  • Diversification patrimoniale : accès à de nombreux supports (fonds euros, actions, obligations, immobilier, OPCVM...)
  • Sécurisation possible : les fonds euros offrent une garantie en capital
  • Souplesse des retraits : rachats partiels ou totaux possibles, réguliers ou ponctuels selon les besoins
  • Disponibilité permanente : le capital reste accessible à tout moment
  • Gestion simplifiée : possibilité de gestion sous mandat, comptabilisation en une seule ligne
  • Flexibilité organisationnelle : libre organisation des pouvoirs de gestion dans les statuts
  • Absence de plafond : aucune limite de versement

Les inconvénients et points de vigilance

Malgré ses nombreux avantages, le contrat de capitalisation présente certaines limites qu'il convient de connaître :

  • Taxation annuelle systématique : pour les sociétés à l'IS, l'impôt est dû chaque année, même sans rachat ni remboursement
  • Horizon de placement : il s'agit d'une solution de moyen à long terme, peu adaptée aux besoins de trésorerie à très court terme
  • Frais multiples : frais d'entrée, de gestion et d'arbitrage qui varient selon les établissements et peuvent être élevés sur les contrats haut de gamme
  • Restrictions d'accès : les fonds euros sont théoriquement réservés aux sociétés patrimoniales et holdings non animatrices
  • Pénalités de rachat anticipé : durée d'investissement minimum de 4 ans sur les fonds euros pour éviter les frais
  • Difficultés comptables : pour les sociétés à l'IR, la distribution des montants rachetés peut soulever des complexités, notamment l'impossibilité d'appréhender les revenus en l'absence de résultat comptable distribuable
  • Accès restreint pour certaines structures : les entreprises commerciales ou industrielles peuvent rencontrer des difficultés à souscrire selon les établissements
  • Avance fiscale : pour les sociétés à l'IS, la taxation forfaitaire annuelle constitue une avance de trésorerie même si elle sera régularisée

Questions fréquentes sur le contrat de capitalisation

Quelle est la différence entre un contrat de capitalisation et une assurance-vie ?

La principale différence réside dans l'accès : les personnes morales peuvent souscrire un contrat de capitalisation mais pas une assurance-vie. Les mécanismes d'investissement sont similaires (fonds euros et unités de compte), mais le contrat de capitalisation ne comporte pas de clause bénéficiaire en cas de décès puisqu'il est destiné aux entreprises.

Mon entreprise commerciale peut-elle vraiment souscrire un contrat de capitalisation ?

Bien que la charte de la FFA de mars 2019 exclue en principe les entreprises industrielles et commerciales, certains assureurs acceptent ces souscriptions dans la pratique. Ils peuvent toutefois imposer des conditions spécifiques, notamment sur l'accès au fonds euros. Il est recommandé de se renseigner directement auprès de plusieurs établissements.

Comment est calculée la taxation forfaitaire pour une société à l'IS ?

La formule est la suivante : montant des versements (moins les rachats) multiplié par 105% du taux moyen d'emprunt d'État en vigueur lors de la souscription. Cette somme est ensuite taxée au taux d'IS applicable à l'entreprise. Il s'agit d'une avance fiscale qui sera régularisée lors d'un rachat.

Peut-on récupérer les fonds à tout moment sans pénalité ?

Les rachats sont toujours possibles, mais des pénalités peuvent s'appliquer. Pour les fonds euros, un rachat avant 4 ans entraîne une réduction de la rémunération proportionnelle au montant retiré. Les frais varient également selon les contrats et les établissements.

Le contrat de capitalisation est-il adapté à une holding animatrice ?

Non, la réglementation et la charte de la FFA réservent principalement ce dispositif aux holdings passives ayant pour activité principale la gestion de leur patrimoine. Une holding animatrice exerçant un contrôle actif sur ses filiales se trouve dans une situation différente et pourrait rencontrer des difficultés pour souscrire, notamment pour accéder au fonds euros.

Quels sont les frais à prévoir sur un contrat de capitalisation ?

Trois types de frais principaux peuvent s'appliquer : les frais d'entrée (lors des versements), les frais de gestion annuels (prélevés sur l'épargne), et les frais d'arbitrage (lors des modifications de répartition entre supports). Ces frais varient considérablement selon les établissements et le niveau de gamme du contrat.

Une SCI peut-elle bénéficier du contrat de capitalisation ?

Oui, les sociétés civiles immobilières peuvent souscrire un contrat de capitalisation, qu'elles gèrent des biens immobiliers personnels ou d'entreprise. Elles bénéficient ainsi de la fiscalité avantageuse du dispositif pour gérer leurs excédents de trésorerie.

Comment fonctionne la régularisation fiscale au moment du rachat pour une société à l'IS ?

La régularisation compare les intérêts réellement générés par le contrat avec les montants déjà taxés forfaitairement chaque année. Si les intérêts réels sont supérieurs, un complément d'impôt est dû. S'ils sont inférieurs, le trop-payé peut être déduit du résultat fiscal, avec un report possible sur les exercices suivants. L'impôt n'est cependant pas restituable en numéraire.

Mathieu Barthelemy

Mathieu Barthélemy accompagne les créateurs d'entreprise dans leurs démarches juridiques, allant de la sélection du statut juridique à la gestion des obligations réglementaires, en fournissant des conseils pratiques et adaptés aux besoins de chaque entrepreneur.